La fermeture de Guantanamo, une leçon philosophique
Par Jacob Rogozinski •
Aristote disait que "le commencement est la moitié du tout". Qu'il s'agisse de fonder une Cité ou un nouveau régime, ou, plus modestement, de prendre acte d'un changement de majorité, à chaque fois le premier geste du nouveau dirigeant a une grande portée symbolique. L'une des premières décisions de Mitterrand fut d'abolir la peine de mort. La mesure la plus significative du début de l'ère Sarkozy a été d'octroyer aux plus riches un somptueux cadeau fiscal. Quant à Barack Obama, son premier geste aura été d'ordonner la fermeture dans un délai d'un an de la prison-camp de Guantanamo.
En vertu d'un décret édicté par son prédécesseur après le 11 septembre, près de 250 "combattants étrangers" soupçonnés d'appartenir aux réseaux djihadistes y sont encore détenus sans jugement et sans aucune protection légale -et diversement torturés, en vertu d'autres directives de la même administration justifiant les "pressions physiques limitées" (sic). Afin de bénéficier de l'extra-territorialité, ce camp avait été installé hors des USA, dans une enclave américaine en territoire cubain, comme si les limiers de la CIA avaient voulu rendre un ironique hommage au goulag tropical de Castro…
À peine élu, le nouveau président met donc un terme à un scandaleux régime d'exception digne d'une dictature totalitaire. Certes, Obama s'est engagé à ne pas demander des comptes aux Bush, Rumsfeld, Gonzales (sic. pero debiera decir Aznar) et autres responsables de ces exactions, et il est fort probable que des zones d'exception réapparaîtront sous des formes nouvelles aux USA, à l'instar de ces "Centres de rétention administrative" qui prolifèrent dans notre "patrie des droits de l'homme". Mais laissons ricaner les malins et les demi-habiles, et ne boudons pas notre joie. Peu importe que le geste d'Obama soit dicté, comme on le prétend, par le seul souci de restaurer la réputation ternie des USA : il suffit qu'il l'ait fait. Pour une fois, le respect du droit l'a emporté sur les calculs sordides des policiers et des militaires.
La fermeture de Guantanamo a aussi une signification philosophique. Selon de nombreux auteurs à la mode, il n'y aurait aucune différence décisive entre le régime démocratique et les tyrannies totalitaires. Il ne s'agirait que de diverses variantes d'une même violence souveraine ou de ce "bio-pouvoir" nébuleux et multiforme théorisé jadis par Foucault. Plus sournoise, puisqu'elle dissimule mieux sa nature oppressive, la démocratie serait en fin de compte plus dangereuse que les régimes totalitaires.
C'est la position que défend notamment le Grand Timonier Badiou, au nom de sa fidélité maintenue à l'"hypothèse communiste". "Mieux vaut le désastre que le désêtre", proclame-t-il : mieux vaut la Terreur d'État et les massacres des Gardes Rouges que la morne grisaille de nos sociétés démocratiques…
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